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Chartres ; suivant la tradition locale, elle serait Berthe aux grands pieds, mais outre que cette allégation ne s’appuie sur aucun argument, elle est inane par ce seul fait que la statue a le halo d’un nimbe. Or, ce signe de la sainteté ne saurait ceindre le chef de la mère de Charlemagne dont le nom est inconnu des hagiologes de l’Eglise triomphante.

Elle serait alors, d’après la thèse des archéologues qui voient dans la panégyrie sculptée du porche les ancêtres du Chrit, une Princesse du Vieux Testament ; mais laquelle ? ainsi que le remarque justement Hello, les larmes sont fréquentes dans les Ecritures, mais le rire y est si rare que celui de Sara ne pouvant s’empêcher de se gaudir lorsque l’Ange lui annonce qu’elle concevra, malgré sa grande vieillesse, un fils, reste célèbre. Vainement, l’on cherche à quelle personne du livre de l’Ancienne Alliance peut se rapporter l’innocente joie de cette Reine.

La vérité, c’est qu’elle demeure à jamais mystérieuse, cette créature angélique, fluide, parvenue sans doute aux pures délices de l’âme qui s’écoule en Dieu, et avec cela, elle est si avenante, si serviable, qu’elle nous laisse l’illusion d’un salutaire geste, le mirage d’une bénédiction visible pour ceux qui la désirent. En effet, son bras droit est brisé à la hauteur du poignet et sa main n’est plus ; mais cette main paraît exister encore, à l’état de reflet, d’ombre, quand on la cherche ; elle est très nettement formée par le renflement léger du sein qui simule la paume, par les plis du corsage qui dessinent distinctement les quatre doigts effilés et le pouce levés, pour tracer le signe de la croix sur nous.