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Quant à la troisième, elle s’étire en un frêle fuseau, s’émince en un gracile cierge dont la poignée serait damassée, gaufrée, gravée en pleine cire ; elle monte magnifiquement vêtue d’une robe roide, cannelée, rayée de fibres telle qu’une tige de céleri. Le corsage est passementé, brodé au petit point ; le ventre est entouré d’une cordelière à nœuds lâche et précieuse ; la tête est couronnée, les deux bras sont cassés ; l’un reposait sur la poitrine, l’autre tenait un sceptre dont on aperçoit encore un vestige.

Et celle-là rit, ingénue et mutine, charmante. Elle considère de ses deux grands yeux ouverts, aux sourcils très relevés, les visiteurs. Jamais, en aucun temps, figure plus expressive n’a été ainsi façonnée par le génie de l’homme ; elle est le chef-d’œuvre de la grâce enfantine et de la candeur sainte.

Dans l’architecture pensive du XIIe siècle, au milieu de ce peuple de statues recueillies, symbolisant en quelque sorte le naïf amour de ces âges que troublèrent les craintes d’un éternel enfer, elle semble placée devant l’huis du Seigneur, comme l’exorable image des Rémissions. Pour les âmes timorées de ces habitudinaires qui n’osent plus, après de persévérantes chutes, franchir le seuil de l’Eglise, elle se fait prévenante, chasse les réticences et vainc les regrets, apaise, par les familiarités de son rire, les transes.

Elle est la grande sœur de l’Enfant prodigue, celle dont Saint Luc ne parle point mais qui dut, si elle exista, plaider la cause de l’absent, insister auprès du père pour qu’il tuât le veau gras, quand revint le fils.

Ce n’est point sous cet aspect indulgent que la connaît