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la vie Unitive au-delà des mondes, dans l’absence des temps ? On peut l’admettre, si l’on remarque que, malgré ses insignes royaux et le somptueux apparat de son costume, elle conserve l’attitude recueillie et l’air austère d’une moniale. Elle sent plus le cloître que la Cour. L’on se demande alors qui la plaça en sentinelle près de cette porte et pourquoi, fidèle à une consigne qu’elle seule connaît, elle observe, de son œil lointain, jours et nuits, la place, attendant, immobile, quelqu’un qui depuis sept cents ans ne vient point ?

Elle semble une figure de l’Avent, qui écoute, un peu penchée, sourdre de la terre les dolentes exorations de l’homme ; un éternel Rorate chante en elle ; elle serait, dans ce cas, une reine de l’Ancien Testament, morte bien avant la naissance du Messie qu’elle annonça peut-être.

Comme elle tient un livre, l’abbé Bulteau insinue qu’elle pourrait être un portrait en pied de Sainte Radegonde. Mais il y a d’autres princesses canonisées et qui tiennent, elles aussi, des livres ; cependant, l’attitude claustrale de cette reine, ses traits émaciés, son œil perdu dans l’espace des rêves intérieurs, s’appliqueraient assez justement à la femme de Clotaire qui s’interna dans un cloïtre.

Mais elle serait en attente de quoi ? de l’arrivée redoutée du roi voulant l’arracher de son abbaye de Poitiers pour la replacer sur le trône ? en l’absence de tout renseignement, il n’est aucune de ces conjectures qui ne demeure vaine.

La seconde statue représente encore une femme de monarque, portant un livre. Celle-là est plus jeune, elle