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cette présomption est également illusoire. La vérité est que si tous ces gens ont eu à la main des sceptres et des rouleaux, des banderoles et des eucologes, aucun n’arbore l’un de ces attributs personnels qui servent à les spécifier, dans la nomenclature sacrée du Moyen Age.

Tout au plus, pourrait-on baptiser du nom de Daniel un corps sans tête, parce qu’au-dessous de lui se tord un vague dragon, emblème du Diable que le Prophète vainquit à Babylone.

Les plus admirables, de ces statues, sont celles des reines.

La première, celle de la maritorne royale, au ventre bombé, n’est qu’ordinaire ; la dernière, celle qui est à l’opposé de cette princesse, à l’autre extrémité de la façade, près du clocher vieux, a le visage amputé d’une moitié et la tranche qui subsiste ne séduit guère ; mais les trois autres, debout, près de la baie principale, dans la voûte d’entrée, sont inouïes !

La première, longue, étirée, tout en hauteur, a le front cerné d’une couronne, un voile, des cheveux pliés de chaque côté d’une raie et tombant en nattes sur les épaules, le nez un peu retroussé, un tantinet populaire, la bouche prudente et décidée, le menton ferme. La physionomie n’est plus jeune. Le corps est enserré, rigide, sous un grand manteau, aux larges manches, dans la gaîne orfévrie d’une robe sous laquelle aucun des indices de la femme ne paraît. Elle est droite, asexuée, plane ; et sa taille file, ceinte d’une corde à nœuds de franciscaine. Elle regarde, la tête un peu baissée, attentive à l’on ne sait quoi, sans voir. A-t-elle atteint le dénuement parfait de toute chose ? vit-elle de