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minuscule ville, une Sion pour bébés, une Jérusalem céleste naine.

Toutes sont debout, posant sur des colonnes guillochées, sur des socles taillés en amande, en pointe de diamant, en côte d’ananas ; sculptés de méandres, de frettes crénelées, de carreaux de foudre ; creusés comme des damiers dont les cases alternées seraient, les unes vides et les autres pleines ; pavés d’une sorte de mosaïque, de marquetterie qui, de même que les bordures des verrières de l’Eglise, évoquent les souvenirs d’une orfèvrerie musulmane, décèlent l’origine de formes rapportées de l’Orient par les Croisades.

Cependant les trois premières statues de la baie de gauche, voisines de la flèche neuve, ne se juchent pas sur des ornements ravis aux infidèles ; celles-là foulent aux pieds d’inexplicables êtres. L’une, un roi dont la tête perdue fut remplacée par celle d’une reine, marche sur un homme enlacé de serpents ; un autre souverain pèse sur une femme qui saisit, d’une main, la queue d’un reptile et caresse, de l’autre, la tresse de ses cheveux ; la troisième enfin, une reine, le chef couronné d’un simple cercle d’or, le ventre proéminent d’une personne enceinte, la figure avenante mais vulgaire d’une bonne, a pour piédestal deux dragons, une guenuche, un crapaud, un chien et un basilic à visage de singe. Que signifient ces rébus ? nul ne le sait ; pas plus qu’on ne sait, du reste, les noms des seize autres statues, alignées le long du porche.

Les uns veulent y voir les ancêtres du Messie, mais cette assertion ne s’étançonne sur aucune preuve ; les autres croient y distinguer un mélange des héros de l’Ancien Testament et des bienfaiteurs de l’Eglise, mais