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les petits. Le panneau de Marie a souffert et il est, de même que celui de l’Ascension, singulièrement fruste et barbare, bien au-dessous du tableau central qui détient, le plus vivant, le plus obsédant qui soit des Christ.

Nulle part, en effet, dans la statuaire du Moyen Age, le Rédempteur ne s’atteste plus mélancolique et plus miséricordieux, sous un aspect plus grave. Examiné de profil, avec ses cheveux coulant dans le dos, plats et divisés par une raie sur le front, le nez un peu retroussé, la bouche forte, couverte d’une épaisse moustache, la barbe courte et tordue, le cou long, il suggère, malgré la rigidité de son attitude, non l’impression d’un Christ Byzantin, tel qu’en peignirent et qu’en sculptèrent des artistes de ce temps, mais d’un Christ de Primitif, issu des Flandres, originaire de la Hollande même, dont il a ce vague relent de terroir qui reparaîtra plus tard, en un type moins pur, vers la fin du XVe siècle, dans le tableau de Cornelis Van Oostzaanen, du musée de Cassel.

Et il surgit, presque triste, dans son triomphe, bénissant, inétonné, avec une résignation qui s’attendrit, ce défilé de pécheurs qui, depuis sept cents ans, le regarde curieusement, sans amour, en passant sur la place ; et tous lui tournent le dos, se souciant peu de ce Sauveur qui diffère du portrait qu’ils connurent, ne l’admettant qu’avec une tête ovine et des traits aimables, pareil, il faut bien le dire, au bellâtre de la Cathédrale d’Amiens devant lequel se pâment les gens amoureux d’une beauté facile.

Au-dessus de ce Christ, s’ouvrent les trois fenêtres privées de regards du dehors, et au-dessus d’elles, la grande rose morte, semblable à un œil éteint, ne se rallumant,