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Sans doute, il ne se l’était formulé qu’à l’état de postulations impossibles et de regrets, car il savait bien qu’il n’avait, ni le corps assez solide, ni l’âme assez ferme pour s’enfouir dans une Trappe ; mais une fois lancée sur ce tremplin, l’imagination partait à la vanvole, sautait par dessus les obstacles, divaguait en de flottantes songeries où il se voyait moine dans un couvent débonnaire, desservi par un ordre clément, amoureux de liturgies et épris d’art.

Il devait bien hausser les épaules quand il revenait à lui et sourire de ces avenirs fallacieux qu’il se suggérait dans ses heures d’ennui ; mais, à cette pitié de l’homme qui se prend en flagrant délit de déraison, succédait quand même l’espoir de ne pas perdre entièrement le bénéfice d’un bon mensonge et il se remettait à chevaucher une chimère qu’il jugeait plus sage, aboutissait à un moyen terme, à un compromis, pensant rendre l’idéal plus accessible, en le réduisant.

Il se disait qu’à défaut d’une vie monastique réelle, il s’en susciterait peut-être une suffisante illusion, en fuyant le tohu-bohu de Paris, en s’inhumant dans un trou.

Et il s’apercevait qu’il s’était absolument dupé lorsque, discutant la question de savoir s’il délaisserait Paris pour aller s’installer à Chartres, il lui avait semblé s’être décidé sur les arguments de l’abbé Gévresin et les instances de Mme Bavoil.

Certainement, sans se l’avouer, sans se l’expliquer, il avait surtout agi sous l’impulsion de ce rêve si constamment choyé. Chartres n’était-il pas une sorte de havre conventuel, de monastère complaisant, où il conserverait