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sciant les aisselles de leurs maîtres qui n’osaient remuer.

Une odeur de benzine et de camphre flottait au-dessus des groupes. Ces habits tirés, le matin même, de leur saumure, et dessalés par des épouses, empestaient. Les tuyaux de poêle étaient à l’avenant. Ils avaient grandi, poussé tout seuls dans les armoires et ils se dressaient immenses, ramenaient sur leur colonne de carton des épis de poils rares.

Ce monde réuni s’admirait, se congratulait, pressait des mains enduites de gants blancs, nettoyés au pétrole, frottés à la gomme élastique et à la mie de pain. Et subitement, un remous s’était creusé dans la cohue des laïques et des prêtres qui se rangèrent, chapeaux bas, devant un vieux landau de corbillard traîné par une rosse étique et conduit par une sorte de moujick, un cocher dont la face bouffait sous des broussailles lui sortant des joues et de la bouche, des oreilles et du nez. La carriole s’était amarrée devant le perron et il en était descendu un gros homme, soufflé tel qu’une baudruche, et sanglé dans un uniforme brodé d’argent ; puis, derrière lui, un monsieur plus mince, vêtu d’un habit à parements bleu foncé et bleu clair ; et tous saluèrent le préfet qu’escortait un de ses trois conseillers de préfecture.

Ils avaient soulevé leurs bicornes empanachés de plumes, distribué quelques poignées de mains et ils se perdaient dans le vestibule, quand l’armée parut, à son tour, représentée par un colonel de cuirassiers, par des officiers de l’artillerie et du train, par quelques fantassins gradés à culotte rouge, par un gendarme.

Et ce fut tout ; une heure après cette réception, la