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au-dessus d’elle la cathédrale ; à gauche, c’était, le long du quai, en face d’une haie de grands peupliers éventant des moulins hydrauliques, des scieries et des chantiers de bois, des lavoirs de blanchisseuses agenouillées dans des boîtes sur de la paille et l’eau moussait devant elles, décrivait des cercles d’encre éclaboussés par le coup d’aile d’un oiseau, de gouttes blanches.

Ce bras de la rivière coulant dans les fossés des anciens remparts, enveloppait le bas de Chartres, bordé, d’un côté, par les arbres des avenues, de l’autre, par des bicoques, par des jardins en lacets, descendant jusqu’au fil de l’Eure et reliés à l’autre rive par des passerelles de planches, par des ponceaux suspendus de fonte.

Et près de la porte Guillaume dressant les pâtés crénelés de ses tours, il y avait des maisons qui semblaient éventrées, qui montraient, ainsi que les cagnards disparus de l’Hôtel-Dieu, à Paris, une cave ouverte au ras de l’eau, un sous-sol dallé au fond duquel s’apercevaient, dans un jour de prison, les marches d’un escalier de pierre ; et si l’on franchissait sur un petit pont à dos d’âne la porte Guillaume dont la voûte conservait encore la rainure de la herse, que l’on abattait naguère pour clore, le soir, cette partie de ville, l’on retrouvait un nouveau bras de la rivière, baignant encore le pied de bâtisses, jouant à cache-cache dans les cours, musant entre des murs ; et aussitôt le rappel d’une rivière, semblable à celle-là, avec sa décoction de brou de noix bouillonnée de bulles, vous obsédait ; et, pour aider au souvenir, pour mieux évoquer la vision de la mélancolique Bièvre, l’odeur âpre et crue, chaude et comme vinaigrée du tan, fumait au-dessus de cette purée de jus de nèfles que roulait l’Eure.