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En effet, la façon dont le Sauveur s’y prend pour divulguer les grâces réservées à Lourdes est stupéfiante.

Afin de les épandre, il ne se borne plus à faire célébrer ses miracles par une propagande toute orale ; non, on croirait que, pour Lui, Lourdes est plus difficile à magnifier que La Salette — et Il en vient aussitôt aux grands moyens. Il suscite un homme dont le livre traduit dans toutes les langues porte dans les contrées les plus lointaines la nouvelle de l’apparition et certifie la véracité des cures opérées à Lourdes.

Pour que cette œuvre soulevât les masses, il fallait que l’écrivain désigné pour cette besogne fût un arrangeur habile et aussi un homme qui n’eût aucun style personnel, aucune idée neuve. Il fallait un homme qui fût sans talent, en un mot ; et cela se conçoit, puisqu’au point de vue de la compréhension de l’art, le public catholique est encore à cent pieds au-dessous du public profane. Et Notre-Seigneur fit bien les choses ; il choisit Henri Lasserre.

En conséquence le coup de mine voulu éclata, ouvrant les âmes, précipitant les multitudes sur le chemin de Lourdes.

Puis les années s’écoulent ; la renommée du sanctuaire est acquise ; d’incontestables guérisons effectuées par des voies surnaturelles et constatées par une clinique dont on ne peut suspecter, ni la bonne foi, ni la science, s’y produisent. Lourdes bat son plein ; et, peu à peu, cependant, à la longue, bien que les pèlerinages ne cessent d’y affluer, le bruit déterminé autour de la grotte diminue. Il s’affaiblit, sinon dans le monde religieux, au moins dans le monde plus considérable des indifférents ou des