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mal et répond aux objurgations de sa femme : moi ! mais je suis, au fond, plus chrétien que toi !

Invariablement, à chaque séance, elle recommence l’histoire des vertus privées du mari et déplore la conduite de l’homme public ; et toujours cette narration, qui n’en finit point, aboutit à des éloges qu’elle se décerne, presque à une demande d’excuses qu’elle attend de nous, pour tout le tintouin que lui cause l’Eglise !

L’abbé Gévresin sourit et dit :

— Quand j’étais attaché à Paris à l’une des paroisses de la rive gauche dans laquelle est situé un grand magasin de nouveautés, j’ai fréquenté un singulier genre de femmes. Les jours surtout où ce magasin annonçait des expositions de blanc ou écoulait des soldes, c’était à la sacristie une affluence de dames en toilettes.

Ces femmes-là habitaient de l’autre côté de l’eau ; elles étaient venues, dans le quartier, pour effectuer des achats et, ayant sans doute trouvé les rayons qu’elles parcouraient trop pleins, elles voulaient attendre que la foule qui les emplissait fût partie, pour y choisir plus à l’aise leurs emplettes ; alors, ne sachant plus à quoi s’occuper, elles se réfugiaient dans l’église et, là, le besoin de parler les tenaillant, elles requéraient, pour l’apaiser, le prêtre de garde, bavardaient au confessionnal comme dans un salon, tuaient ainsi le temps.

— Ne pouvant, de même que les hommes, aller au café, elles vont à l’église, dit Durtal.

— A moins, fit Mme Bavoil, qu’elles ne veuillent surtout confier à un ecclésiastique inconnu des fautes qu’il serait pénible d’avouer à leur confesseur.

— Enfin, s’exclama Durtal, voilà un point de vue