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Ici, le clergé est, on peut le dire, excellent ; composé de Saints prêtres, mais presque tous végètent, engourdis par l’inaction ; ils ne lisent, ni ne travaillent, s’ankylosent, se meurent d’ennui dans cette province.

— Pas vous ! s’exclama, en riant, Durtal ; car vous avez de l’ouvrage ; ne m’avez-vous pas raconté que vous cultiviez plus spécialement les âmes des belles dames qui daignent s’intéresser encore à Notre-Seigneur, dans cette ville ?

— Vous avez la plaisanterie féroce, riposta l’abbé. Croyez bien que si j’avais des servantes et des filles du peuple à gérer, je ne me plaindrais pas, car il y a des qualités et des vertus, il y a du ressort dans les âmes simples, mais dans la petite bourgeoisie et le monde riche ! — vous ne pouvez vous imaginer ce que sont ces femmes. Du moment qu’elles assistent à la messe, le dimanche et font leurs Pâques, elles pensent que tout leur est permis ; et, dès lors, leur sérieuse préoccupation est moins d’offenser le Christ que de le désarmer par de basses ruses. Elles médisent, lèsent grièvement le prochain, lui refusent toute pitié et toute aide et elles s’en excusent ainsi que de fautes sans conséquence ; mais manger gras, un vendredi ! c’est autre chose ; elles sont convaincues que le péché qui ne se remet point est celui-là. Pour elles, le Saint-Esprit, c’est le ventre ; en conséquence, il s’agit de biaiser, de louvoyer autour de ce péché, de ne jamais le commettre, tout en le frôlant et en ne se privant point. Aussi quelle éloquence elles déploient pour me rassurer sur le caractère pénitent de la poule d’eau !

Pendant le carême elles sont toutes possédées par la