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n’est pas né catholique, ainsi que le style ogival ; il ne l’est devenu que par le baptême que lui conféra l’Eglise. Le Christianisme l’a découvert dans la basilique romaine et il l’a utilisé, en l’arrangeant ; son origine est donc païenne et dès lors ce n’est qu’en grandissant qu’il a pu apprendre la langue et exprimer la forme de nos emblèmes.

— Mais pourtant, en son ensemble, il représente selon moi un symbole, car il est la figure lapidifiée de l’Ancien Testament, l’image de la contrition et de la crainte.

— Et plus encore, celle de la paix de l’âme, répliqua l’abbé. Croyez-moi, pour bien comprendre ce style, il faut remonter à sa source, aux premiers temps du monachisme dont il est la parfaite expression, nous reporter, par conséquent, aux Pères de l’Eglise, aux moines du désert.

Or quel est le caractère très spécial de la mystique de l’Orient ? c’est le calme dans la foi, l’amour brûlant sur lui-même, la dilection sans éclat, ardente mais enfermée, mais interne.

Vous ne percevrez pas, en effet, dans les livres des solitaires de l’Egypte, les véhémences d’une Madeleine de Pazzi et d’une Catherine de Sienne, les cris passionnés d’une Sainte Angèle. — Rien de cela ; pas d’exclamations amoureuses, pas de trépidations, pas de plaintes. Ils envisageaient le Rédempteur moins comme la victime sur laquelle on pleure que comme le médiateur, l’ami, le grand frère. Il était pour eux surtout, selon le mot d’Origène, « le pont jeté entre nous et le Père ».

Transportées d’Afrique en Europe, ces tendances se conservèrent ; les premiers moines de l’Occident suivirent l’exemple de leurs devanciers et ils assortirent ou édifièrent des Eglises à leur ressemblance.