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quarante-huit mètres au-dessus du sol. Il est vrai que celle-là voulut tout tenter pour dépasser ses sœurs.

Projetée d’un bond, en l’air, dans les abîmes, elle vacilla et s’abattit. Vous connaissez les parties qui survivent à l’éroulement de cette folle Eglise ?

— Oui, Monsieur l’abbé ; ce sanctuaire et cette abside, étroits, resserrés, avec leurs colonnes qui se touchent et l’éclairage qui s’irise, en bulles de savon, dans des murs tout en verres, vous désemparent et vous étourdissent dès qu’on y entre. On y ressent je ne sais quelle inquiétude, une espèce de mauvaise attente et de trouble ; la vérité c’est qu’elle n’est, ni bien portante, ni saine ; elle ne vit qu’à force d’expédients et d’étais ; elle tâche d’être déliée et ne l’est point ; elle s’étire sans parvenir à se filiser ; elle a, comment dirai-je ? de gros os. Rappelez-vous ses piliers qui sont pareils aux troncs lisses et charnus des hêtres et qui ont aussi l’arête et le coupant des joncs. Quelle différence avec ces cordes de harpe qui sont l’ossature aérienne de Chartres ! — Non, malgré tout, Beauvais est, ainsi que Reims, ainsi que Paris, une cathédrale grasse. Elle n’a pas la maigreur distinguée, l’éternelle adolescence de formes, tout ce côté patricien d’Amiens et surtout de Chartres !

Puis, n’êtes-vous pas frappé, Monsieur l’abbé, de ce permanent emprunt que le génie de l’homme fit à la nature lorsqu’il construisit des Basiliques. Il est presque certain que l’allée des forêts servit de point de départ aux rues mystiques de nos nefs. Voyez aussi les piliers. Je vous citais tout à l’heure ceux de Beauvais qui tiennent du hêtre et du jonc ; souvenez-vous maintenant des colonnes de Laon ; celles-là ont des nœuds tout le