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en adjoignant deux petits croisillons, au-dessus des bras. Et voyez cet ensemble, murmura l’abbé en embrassant d’un geste tout le dedans de la Basilique chartraine.

Jésus est mort ; son crâne est l’autel, ses bras étendus sont les deux allées du transept ; ses mains percées sont les portes ; ses jambes sont cette nef où nous sommes et ses pieds troués sont le porche par lequel nous venons d’entrer. Regardez maintenant la déviation systématique de l’axe de cette église ; elle imite l’attitude du corps affaissé sur le bois du supplice, et dans certaines Cathédrales, telles que celle de Reims, l’exiguïté, l’étranglement du sanctuaire et du chœur par rapoort à la nef, simule d’autant mieux le chef et le cou de l’homme tombés sur l’épaule, après qu’il a rendu l’âme.

Cette inflexion des églises, elle est presque partout, ici, à Saint-Ouen et à la Cathédrale de Rouen, à Saint-Jean de Poitiers, à Tours, à Reims ; parfois même, mais cette observation serait à prouver, l’architecte substitue à la dépouille du Sauveur, celle du Martyr sous le vocable duquel l’Eglise est dédiée et alors on croit discerner dans l’axe tordu de Saint-Savin, par exemple, le tournant de la roue qui broya ce Saint.

Mais tout cela vous est évidemment connu, voici qui l’est moins.

Nous n’avons examiné jusqu’ici que l’image du Christ, immobile, mort, dans nos nefs ; je vais vous entretenir actuellement d’un cas peu commun, d’une Eglise reproduisant non plus le contour du cadavre divin, mais bien la figure de son corps encore vivant, d’une église douée d’une apparence de motilité, qui essaie de bouger avec Jésus sur la croix.