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s’étendaient devant lui, ainsi que sur ces plans où, sans s’inquiéter des distances, les monuments s’accumulent, se pressent, tous sur le même point, pour se mieux montrer.

C’est vrai, pensait-il, les tours changent avec les Basiliques. Examinons celles de Notre-Dame de Paris, elles sont mastoques et sombres, presque éléphantes ; fendues dans presque toute leur longueur, de pénibles baies, elles se hissent avec lenteur et pesamment, s’arrêtent ; elles paraissent accablées par le poids des péchés, retenues par le vice de la ville au sol ; l’effort de leur ascension se sent et la tristesse vient à contempler ces masses captives que navre encore la couleur désolée des abat-son. A Reims, au contraire, elles s’ouvrent du haut en bas, en des chas effilés d’aiguilles, en de longues et minces ogives dont le vide se branche d’une énorme arête de poisson ou d’un gigantesque peigne à doubles dents. Elles s’élancent aériennes, se filigranent ; et le ciel, entre dans ces rainures, court dans ces meneaux, se glisse dans ces entailles, se joue dans les interminables lancettes, en lanières bleues, se concentre, s’irradie dans les petits trèfles creux qui les surmontent. Ces tours sont puissantes et elles sont expansives, énormes, et elles sont légères. Autant celles de Paris sont immobiles et muettes, autant celles de Reims parlent et s’animent.

A Laon, elles sont surtout bizarres. Avec leurs colonnettes, tantôt en avance et tantôt en recul, elles ont l’air d’étagères superposées à la hâte et dont la dernière se termine par une simple plateforme au-dessous de laquelle, meuglent, en se penchant, des bœufs.

Les deux tours d’Amiens, bâties, chacune, à des époques