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désigne pour aller établir ce nouveau prieuré, Marie-Marguerite la supplie-t-elle de la laisser prier dans son petit coin, en paix ; mais Jésus s’en mêle et lui prescrit de partir. Elle obéit, se traîne, malade, à bout de forces, sur les routes, arrive enfin avec les sœurs qu’elle emmène, à Oirschot où elle organise tant bien que mal la clôture dans une maison qui n’a jamais été agencée pour servir de cloître.

On la nomme Vicaire-prieure et, aussitôt, elle se révèle manieuse extraordinaire d’âmes. Dans la dure vie du Carmel qu’elle aggrave pour elle-même par d’atroces mortifications, elle reste tolérante pour les autres et bien qu’elle puisse déjà murmurer, tant son pauvre corps la supplicie : « Personne ne saura avant le jugement dernier ce que je souffre », elle demeure gaie et prêche, en ces termes, l’allégresse à ses filles : " C’est bon pour les gens qui pèchent de s’attrister, mais nous, nous devons partager doublement la joie des anges puisque nous accomplissons comme eux la volonté de Notre-Seigneur et que de plus nous pâtissons pour sa gloire, ce qu’ils ne peuvent faire."

Elle est la directrice la plus indulgente et la plus délicate. De peur d’offenser, par une expression d’autorité, ses sujettes, jamais elle ne commande sous la forme impérative, ne dit jamais : « Faites telles choses », mais bien : « faisons telle chose », et, chaque fois qu’au réfectoire, elle se voit obligée de punir une nonne, elle va aussitôt baiser les pieds des autres et les supplie de la souffleter pour l’humilier.

Mais c’eût été trop beau si, avec la troupe angélique qu’elle préside, elle pouvait vivre en repos, de la vie inté