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VI


Oui, je sais bien, quand j’ai avoué devant elle que je ne savais pas encore quelle histoire de saint j’écrirais, Mme Bavoil, la chère Mme Bavoil, ainsi que l’appelle l’abbé Gévresin, s’est écrié : Et la vie de Jeanne de Matel ! mais ce n’est pas une biographie dont la matière soit ductile et qu’on puisse aisément manier, s’exclama Durtal qui rangeait les notes entassées peu à peu sur cette Vénérable.

Et il réfléchissait. Ce qui est inintelligible, se dit-il, c’est la disproportion qui existe entre les promesses que Jésus lui fit et les résultats qu’elles obtinrent. Jamais, je le crois bien, on ne vit, dans la fondation d’un nouvel ordre, tant de tribulations et d’entraves, tant de malchance. Jeanne passe ses jours sur les routes, court d’un monastère à l’autre et elle a beau se tuer à remuer le sol conventuel, rien ne pousse. Elle ne peut même revêtir l’habit de son institut, sinon quelques moments avant sa mort, car pour ambuler plus facilement, par toute la France, il lui faut garder la livrée d’un monde qu’elle abomine et qu’elle supplie vainement,