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avant même que l’on ait pu soupçonner sa présence ; puis mon cas est un peu spécial et difficilement curable par les traitements religieux usités en pareil cas. Je n’ai pas en effet, se disait-il, un orgueil naïf, extravasé, une élation, une superbe, s’affichant inconsciente, débordant devant tous ; non, j’ai, à l’état latent, ce qu’au Moyen Age l’on appelait ingénument la « vaine gloire », une essence d’orgueil diluée dans de la vanité et s’évaporant au dedans du moi, dans des pensées fugitives, dans des réflexions toutes tacites. Aussi n’ai-je point la ressource, qu’aurait un orgueilleux expansif, de me surveiller, de me contraindre à me taire. C’est vrai cela, on va parler pour commencer de spécieuses forfanteries, pour entamer de sournois éloges ; l’on peut, en somme, s’en apercevoir et dès lors, avec de la patience et de la volonté, on est maître de s’arrêter et de se museler, mais mon vice à moi, il est muet et souterrain ; il ne sort pas, et je ne le vois, ni ne l’entends. Il coule, il rampe à la sourdine et il me saute dessus sans que je l’aie entendu venir !

Il est bon l’abbé qui me réplique : soignez-vous par la prière, je ne demanderais pas mieux, mais son remède est infidèle, car les aridités et les distractions lui enlèvent son efficace !

Les distractions ! je ne les ai même que là ; il suffit que je m’agenouille, que je veuille me recueillir pour qu’aussitôt, je me disperse. L’idée que je vais prier est un coup de pierre dans une mare ; tout grouille et remonte.

Ah ! les gens qui ne pratiquent pas s’imaginent que rien n’est plus facile que de prier. Je voudrais bien les y