Page:Huysmans - La Cathédrale, 1915.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée

il s’accoudait à une balustrade de pierre grise, sèche, trouée, pareille à une pierre ponce et fleurie de lichens couleur d’orange et de soufre.

Au-dessous de lui, s’étendait une vallée comblée par des cheminées et des toits fumants qui couvraient d’une résille bleuâtre ce sommet de ville. Plus bas, tout était immobile et sans vie ; les maisons dormaient, ne s’éveillaient même pas dans ces éclairs de jour que dardent les vitres d’une croisée qu’on ouvre ; aucune tache écarlate, comme il y en a dans tant de rues de province lorsqu’un édredon de percale pend, coupé au milieu par la barre d’appui d’une fenêtre ; tout était clos et terne et tout se taisait ; l’on n’entendait même pas ce ronflement de ruche qui bourdonne au-dessus des lieux habités. A part le roulement lointain d’une voiture, le claquement d’un fouet, l’aboi d’un chien, tout était muet ; c’était la cité en léthargie, la campagne morte.

Et, au-dessus du vallon, sur l’autre rive, ce site devenait encore plus taciturne et plus morne ; les plaines de la Beauce filaient à perte de vue, sans un sourire, sous un ciel indifférent qu’entravait une ignoble caserne dressée en face de la Cathédrale.


La mélancolie de ces plaines s’allongeant sans un soulèvement de terrain, sans un arbre ! — Et l’on sentait que, derrière l’horizon, elles continuaient à s’enfuir aussi plates ; seulement, à la monotonie du paysage s’ajoutait l’âpre furie des vents soufflant en tempête, balayant les coteaux, rasant les cimes, se concentrant autour de cette Basilique, qui, perchée tout en haut, brisait leurs efforts depuis des siècles. Il avait fallu, pour la déraciner, l’aide de la foudre allumant ses tours et encore la rage combinée