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— Et il embaume, s’écria Durtal, humant l’odeur d’un pétulant pot-au-feu qu’éperonnait une pointe de céleri affiliée aux parfums des autres légumes.

— À table ! Clama Carhaix qui reparut, débarbouillé, en vareuse.

Ils s’assirent ; le poêle attisé ronflait ; Durtal éprouvait la soudaine détente d’une âme frileuse presque évanouie dans un bain de fluides tièdes ; il se trouvait avec les Carhaix, si loin de Paris, si loin de son siècle !

Ce logis était bien pauvre, mais il était si cordial, si mollet, si doux ! Jusqu’à ce couvert de campagne, ces verres propres, cette fraîche assiettée de beurre demi-sel, cette cruche à cidre, qui aidaient à l’intimité de cette table éclairée par une lampe un peu usée qui répandait ses lueurs d’argent dédoré sur la grosse nappe.

Tiens, la première fois que nous viendrons, il faudra que j’achète dans une maison anglaise un de ces pots de marmelade à l’orange si délicieusement sûres, se dit Durtal ; car d’un commun accord avec des Hermies, ils ne dînaient chez le sonneur qu’en fournissant une partie des plats.

Carhaix apprêtait un pot-au-feu et une simple salade et il versait son cidre. Pour ne pas lui infliger de frais, ils apportaient le vin, le café, l’eau-de-vie, les desserts, et ils s’arrangeaient de façon