Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ville avec ces joies ou ces deuils de l’air ! — Et la cloche qu’ils servaient, en fils soumis, en fidèles diacres, s’était faite, à l’image même de l’Église, très populaire et très humble. À certains moments, elle se dévêtait, ainsi que le prêtre se dépouille de sa chasuble, de ses sons pieux. Elle causait avec les petits, les jours de marchés et de foires, les invitait, par les temps de pluie, à débattre leurs intérêts dans la nef de l’église, imposant, par la sainteté du lieu, aux inévitables débats des durs négoces, une probité qui demeure à jamais perdue !

Maintenant les cloches parlaient une langue abolie, baragouinaient des sons vides et dénués de sens. Carhaix ne se trompait pas. Cet homme qui vivait, en dehors de l’humanité, dans une aérienne tombe, croyait à son art, n’avait plus par conséquent de raison d’être. Il végétait, superfétatif et désuet, dans une société que les rigaudons des concerts amusent. Il apparaissait, tel qu’une créature caduque et rétrograde, tel qu’une épave refluée sur la berge des âges, une épave surtout indifférente aux misérables soutaniers de cette fin de siècle qui, pour attirer les foules en toilettes dans le salon de leurs églises, ne craignent pas de faire entonner des cavatines et des valses sur les grandes orgues que manipulent, en un dernier sacrilège, maintenant, les usiniers de la musique