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que, semblables aux anciens vins, les cloches s’affinent, en vieillissant ; leur chant devient plus ample et plus souple ; elles perdent leur bouquet aigrelet, leurs sons verts. Ça explique un peu comment on s’y attache !

— Diable, mais tu es fort sur les cloches, toi !

— Moi, répondit Des Hermies, en riant, mais je ne sais rien ; je répète ce que j’ai entendu dire à Carhaix. Au reste, si ce sujet t’intéresse, tu pourras lui demander des explications ; il t’apprendra le symbolisme de la cloche ; il est inépuisable, ferré là-dessus comme pas un.

— Ce qui est certain, fit Durtal rêveur, c’est que moi qui habite un quartier de couvents et qui vis dans une rue dont l’air est plissé, dès l’aube, par l’onde des carillons, lorsque j’étais malade, la nuit, j’attendais l’appel des cloches, le matin, ainsi qu’une délivrance. Je me sentais alors, au petit jour, bercé par une sorte de dodelinement très doux, choyé par une caresse lointaine et secrète ; c’était comme un pansement si fluide et si frais ! J’avais l’assurance que des gens debout priaient pour les autres et par conséquent pour moi ; je me trouvais moins seul. C’est vrai, au fond, c’est surtout fait pour les malades affligés d’insomnie, ces sons-là !

— Non seulement pour les malades, mais les cloches sont aussi le bromure des âmes belli-