Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

procession, la ville. Il chanta des psaumes dans les rues, s’engagea, par serment, dans les églises, à jeûner pendant trois jours, afin de tenter d’assurer par ce moyen le repos de l’âme du Maréchal.

— Nous sommes loin, comme vous voyez, de la loi américaine du lynch, dit des Hermies.

— Puis, reprit Durtal, à onze heures, il vint chercher Gilles de Rais à sa prison et il l’accompagna jusqu’à la prairie de la Biesse où se dressaient, surmontés de potences, de hauts bûchers.

Le Maréchal soutenait ses complices, les embrassait, les adjurait d’avoir « grande déplaisance et contrition de leurs méfaits » et, se frappant la poitrine, il suppliait la Vierge de les épargner, tandis que le clergé, les paysans, le peuple, psalmodiaient les sinistres et implorantes strophes de la Prose des Trépassés :

Nos timemus diem judicii
Quia mali et nobis conscii
Sed tu, Mater summi concilii
Para nobis locum refugii
O Maria !

Tunc iratus Judex…

Vive Boulanger !

Dans un bruit de mer montant de la place Saint-Sulpice à la tour, de longs cris jaillirent : Boulange ! Lange ! puis une voix enrouée, énorme, une voix