Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’aucune médication ait jamais pu la soulager. Un jour, elle me parla de cet abbé Johannès qui avait, disait-elle, guéri des gens aussi malades qu’elle. Je n’en croyais pas un mot, mais, étant donné que ce prêtre n’acceptait aucun argent, je ne la détournai point de le visiter et, par curiosité, je l’accompagnai lorsqu’elle s’y rendit.

On la monta sur une chaise et ce petit ecclésiastique, vif, agile, lui prit la main. Il y posa une, deux, trois pierres précieuses, chacune à son tour, puis tranquillement il lui dit : Mademoiselle, vous êtes victime d’un maléfice de consanguinéité.

J’eus une forte envie de rire.

— Rappelez-vous, reprit-il, vous avez dû avoir, il y a deux ans, puisque vous êtes paralysée depuis cette époque, une querelle avec un parent ou une parente.

C’était vrai, la pauvre Marie avait été indûment accusée du vol d’une montre provenant d’une succession par une tante qui avait juré de se venger.

— Elle demeurait à Lyon, votre tante ?

Elle fit signe que oui.

— Rien d’étonnant, continua le prêtre ; à Lyon, dans le peuple, il y a beaucoup de rebouteurs qui connaissent la science des sortilèges pratiquée dans les campagnes ; mais rassurez-vous, ces gens-là ne sont pas forts. Ils en sont à l’enfance de cet art ; alors, Mademoiselle, vous désirez guérir ?