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À certains moments, Durtal ne pouvait douter que des Hermies n’eût pratiqué la littérature, car il la jugeait avec la certitude d’un homme du métier, démontait la stratégie des procédés, dévissait le style le plus abstrus avec l’adresse d’un expert qui connaît, en cet art, les plus compliqués des trucs. À Durtal qui lui reprochait, un jour, en riant, de cacher ses œuvres, il répondait avec une certaine mélancolie : je me suis châtré l’âme à temps d’un bas instinct, celui du plagiat. J’aurais pu faire du Flaubert aussi bien sinon mieux que tous les regrattiers qui le débitent ; mais à quoi bon ? J’ai préféré phraser des médicaments occultes à des doses rares ; ce n’est peut-être pas bien nécessaire, mais c’est moins vil !

Où il était surprenant, par exemple, c’était dans l’érudition ; il se révélait prodigieux, savait tout, était au courant des plus anciens bouquins, des plus séculaires coutumes, des découvertes les plus neuves. À force de s’acoquiner avec les extraordinaires épaves de Paris, il avait approfondi des sciences diverses et hostiles ; car lui, si correct et si froid, on ne le rencontrait qu’en compagnie d’astrologues et de kabbalistes, de démonographes et d’alchimistes, de théologiens et d’inventeurs.

Las des avances faciles et des improbables bonhomies des artistes, Durtal fut séduit par cet homme aux abords rentrés, aux détentes strictes et dures.