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Ce fut ce jour-là, le jour solennel du procès. La salle où siégeait le Tribunal était comble et la multitude, refoulée dans les escaliers, serpentait jusque dans les cours, emplissait les venelles avoisinantes, barrait les rues. De vingt lieues à la ronde, les paysans étaient venus pour voir le mémorable fauve dont le nom seul faisait, avant sa capture, clore les portes dans les tremblantes veillées où pleuraient, tout bas, les femmes.

Le Tribunal allait se réunir au grand complet. Tous les assesseurs qui, d’habitude, se suppléaient pendant les longues audiences, étaient présents.

La salle, massive, obscure, soutenue par de lourds piliers romans, se rajeunissait à mi-corps, s’effilait en ogive, élançait à des hauteurs de cathédrale les arceaux de sa voûte qui se rejoignaient ainsi que les côtes des mitres abbatiales, en une pointe. Elle était éclairée par un jour déteint qui filtraient, au travers de leurs résilles de plomb, d’étroits carreaux. L’azur du plafond se fonçait et ses étoiles peintes ne scintillaient plus, à cette hauteur, que comme des têtes en acier d’épingles ; dans les ténèbres des voûtes, l’hermine des armes ducales apparaissait, confuse, dans des écussons qui ressemblaient à de grands dés blancs, mouchetés de points noirs.

Et soudain, des trompettes hennirent, la salle devint claire, les Évêques entraient. Ils fulguraient sous leurs mitres en drap d’or, étaient cravatés d’un