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Carhaix était assis sur son séant dans son lit et il parcourait des papiers et des livres. Il avait les yeux plus aqueux, le visage plus blême que de coutume ; sa barbe, qui n’était pas rasée depuis plusieurs jours, poussait en taillis grisonnants sur ses joues caves ; mais un bon sourire rendait affectueux, presque avenants, ses pauvres traits.

Aux questions que lui posa Durtal, il répondit : — Ce n’est rien ; des Hermies m’autorise à me lever demain ; mais quelle affreuse drogue ! — Et il montra une potion dont il prenait une cuillerée, d’heure en heure.

— Qu’avalez-vous là ? demanda Durtal.

Mais le sonneur l’ignorait. Pour lui éviter sans doute des frais, des Hermies lui apportait lui-même la bouteille à boire.

— Vous vous ennuyez au lit ?

— Vous pensez ! je suis obligé de confier mes cloches à un aide qui ne vaut rien. Ah ! si vous l’entendiez sonner ! moi, ça me donne des frissons, ça me crispe…

— Ne te fais donc pas ainsi du mauvais sang, dit la femme ; dans deux jours, tu pourras les sonner, toi-même, tes cloches !

Mais il poursuivait ses plaintes. — Vous ne savez pas vous autres ; voilà des cloches qui ont l’habitude d’être bien traitées ; c’est comme les bêtes, ces instruments-là, ça n’obéit qu’à son maître.