Page:Huysmans - Là-Bas, Tresse & Stock, 1895.djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vables de ces écuellées de romans tièdes et mucilagineux qu’on vante !

Ça promet, dans l’avenir, une jolie littérature, car, pour plaire aux femmes, il faut naturellement énoncer, en un style secouru, les idées digérées et toujours chauves.

Oh ! et puis, reprit Durtal, après un silence, il vaut peut-être mieux qu’il en soit ainsi ; les rares artistes qui restent n’ont plus à s’occuper du public ; ils vivent et travaillent loin des salons, loin de la cohue des couturiers de lettres ; le seul dépit qu’ils puissent honnêtement ressentir, c’est, quand leur œuvre est imprimée, de la voir exposée aux salissantes curiosités des foules !

— Le fait est, dit des Hermies, que c’est une véritable prostitution ; la mise en vente, c’est l’acceptation des déshonorantes familiarités du premier venu ; c’est la pollution, le viol consenti, du peu qu’on vaut !

— Oui, c’est notre impénitent orgueil et aussi le besoin de misérables sous qui font qu’on ne peut garder ses manuscrits à l’abri des mufles ; l’art devrait être ainsi que la femme qu’on aime, hors de portée, dans l’espace, loin ; car enfin c’est avec la prière la seule éjaculation de l’âme qui soit propre ! Aussi, lorsqu’un de mes livres paraît, je le délaisse avec horreur. Je m’écarte autant que possible des endroits où il bat sa retape. Je ne me