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Bleue et il vécut en parfait accord, presque en coquetterie, avec ce monstre.

L’histoire supplanta chez lui le roman dont l’affabulation, ficelée dans des chapitres, empaquetée à la grosse, forcément banale et convenue, le blessait. Et cependant, l’histoire ne semblait être qu’un pis aller, car il ne croyait pas à la réalité de cette science ; les événements, se disait-il, ne sont pour un homme de talent qu’un tremplin d’idées et de style, puisque tous se mitigent ou s’aggravent, suivant les besoins d’une cause ou selon le tempérament de l’écrivain qui les manie.

Quant aux documents qui les étayent c’est pis encore ! car aucun d’eux n’est irréductible et tous sont révisables. S’ils ne sont pas apocryphes, d’autres, non moins certains, se déterrent plus tard qui les controuvent, en attendant qu’eux-mêmes soient démonétisés par l’exhumation d’archives non moins sûres.

À l’heure actuelle, dans le raclage têtu des vieux cartons, l’histoire ne sert plus qu’à étancher les soifs littéraires des hobereaux qui préparent ces rillettes de tiroirs auxquelles l’Institut décerne, en salivant, ses médailles d’honneur et ses grands prix.

Pour Durtal, l’histoire était donc le plus solennel des mensonges, le plus enfantin des leurres. L’antique Clio ne pouvait être représentée, selon lui, qu’avec une tête de sphinx, parée de favoris en