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ne les reçût et si dégoûté après qu’il les avait subies ! il avait le cœur en friche et rien ne poussait. Puis, quelle maladie que celle-là : se souiller d’avance par la réflexion tous les plaisirs, se salir tout idéal dès qu’on l’atteint ! il ne pouvait plus toucher à rien, sans le gâter. Dans cette misère d’âme, tout, sauf l’art, n’était plus qu’une récréation plus ou moins fastidieuse, qu’une diversion plus ou moins vaine. — Ah ! tout de même, la pauvre femme, j’ai peur qu’elle ne supporte avec moi, d’affreux déboires ! Si elle consentait à ne plus revenir ! — Mais non, elle ne mérite pas qu’on la traite de la sorte ; et pris de pitié, il se jura que, la première fois qu’elle le visiterait, il la câlinerait et tâcherait de la persuader que cette désillusion qu’il avait si mal cachée, n’existait pas !

Il essaya de rafistoler son lit, de reborder les couvertures saccagées, de regonfler les oreillers aplatis et il se coucha.

Il éteignit sa lampe. Dans le noir, sa détresse s’accrut. La mort dans le cœur, il se dit : — oui, j’avais raison d’écrire qu’il n’y a de vraiment bon que les femmes que l’on n’a pas eues.

Apprendre, deux, trois ans après, alors que la femme est inaccessible, honnête et mariée, hors de Paris, hors de France ; apprendre qu’elle vous aimait, alors que l’on n’aurait même pas, quand elle était là, osé le croire ! c’est le