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Allons plus loin encore, si vous le voulez ; supposez qu’un artiste peigne un Saint et qu’il s’en éprenne. Cela se compliquerait de crime contre nature et de sacrilège. Ce serait énorme !

— Et peut-être, serait-ce exquis !

Il demeura abasourdi par ce mot ; elle se leva, ouvrit la porte et appela son mari.

— Mon ami, dit-elle, Durtal a découvert un nouveau péché !

— Quant à cela, non, fit Chantelouve qui s’encadra dans le chambranle de la porte ; l’édition des vertus et des vices est une édition ne varietur. L’on ne peut inventer de nouveaux péchés, mais l’on n’en perd pas. Au fond, de quoi s’agit-il ?

Durtal lui expliqua sa théorie.

— Mais, c’est tout bonnement une expression raffinée du succubat ; ce n’est pas l’œuvre enfantée qui s’anime, mais bien un succube qui en prend la nuit, les formes !

— Avouez, en tout cas, que cet hermaphrodisme cérébral, qui se féconde sans aucune aide, est au moins un péché distingué, car il est un privilège des artistes, un vice réservé aux élus, inaccessible aux foules !

— Quel aristo de l’ordure vous faites ! dit Chantelouve, en riant. — Mais je vais me replonger dans mes vies de Saintes ; c’est d’atmosphère plus bénigne et plus fraîche. — Sans adieu, Durtal, je