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détails infimes mais répétés, d’une défaillance d’âme transie par la quarantaine, par les discussions avec la blanchisseuse et les gargotes, par des déboires d’argent, par des ennuis de terme. Il songeait un peu à se sauver dans un couvent, ainsi que ces filles qui entrent en maison pour se soustraire aux dangers des chasses, au souci de la nourriture et du loyer, aux soins du linge.

Resté célibataire et sans fortune, peu soucieux maintenant des ébats charnels, il maugréait, certains jours, contre cette existence qu’il s’était faite. Forcément dans ces heures où las de se battre contre des phrases, il jetait sa plume, il regardait devant lui et ne voyait dans l’avenir que des sujets d’amertumes et d’alarmes ; alors il cherchait des consolations, des apaisements, et il en était bien réduit à se dire que la religion est la seule qui sache encore panser, avec les plus veloutés des onguents, les plus impatientes des plaies ; mais elle exige en retour une telle désertion du sens commun, une telle volonté de ne plus s’étonner de rien, qu’il s’en écartait, tout en l’épiant.

Et, en effet, il rôdait constamment autour d’elle, car si elle ne repose sur aucune base qui soit sûre, elle jaillit du moins en de telles efflorescences que jamais l’âme n’a pu s’enrouler sur de plus ardentes tiges et monter avec elles et se perdre dans le ravissement, hors des distances, hors des mondes,