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Tandis que la femme du sonneur achevait de mettre la table, Durtal examina le nouveau-venu.

C’était un petit homme, coiffé d’un feutre noir et mou, enveloppé de même qu’un conducteur d’omnibus dans un caban à capuchon de drap bleu.

La tête était en œuf, toute en hauteur. Le crâne ciré ainsi qu’au siccatif, paraissait avoir poussé au-dessus des cheveux qui pendaient dans le cou, durs et semblables aux filaments d’un coco sec ; le nez était busqué, les narines s’ouvraient en de larges soutes sur une bouche édentée que cachait une épaisse moustache poivre et sel comme la barbiche qui allongeait un menton court ; au premier abord, il suggérait l’idée d’un ouvrier d’art, d’un graveur sur bois ou d’un enlumineur d’images de sainteté ou de statues pieuses ; mais, à le regarder plus longtemps, à observer ces yeux rapprochés du nez, ronds et gris, presque bigles, à scruter sa voix solennelle, ses manières obséquieuses, l’on se demandait de quelle sacristie toute spéciale sortait cet homme.

Il se déshabilla, apparut dans une redingote noire de charpentier, en bois ; une chaîne d’or à coulants, passée autour du cou, se perdait, en serpentant, dans la poche gonflée d’un vieux gilet ; mais ce qui interloqua Durtal ce fut quand Gévingey exhiba ses mains qu’il mit complaisamment en