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que je l’ai su ? non, puisque je vous ai aussitôt suppliée de venir !

— Soit, mais vous me donnez raison lorsque je soutiens que vous écriviez à une autre qu’à moi vos premières lettres !

Elle demeura, un instant, pensive. Durtal commençait à s’ennuyer prodigieusement de cette discussion dans laquelle ils retombaient. Il jugea prudent de ne pas répondre, chercha un biais pour sortir de cette impasse.

Mais elle-même le tira d’embarras. — Ne discutons plus, nous n’en sortirions pas, dit-elle, en souriant ; — voyons, la situation est celle-ci : moi je suis mariée à un homme très bon et qui m’aime et dont tout le crime, en somme, est de représenter le bonheur un peu fade que l’on a sous la main. Je vous ai écrit la première, c’est moi qui suis coupable, et croyez-le bien, pour lui, j’en souffre. Vous, vous avez à faire des œuvres, à travailler de beaux livres ; vous n’avez pas besoin qu’une écervelée se promène dans votre vie ; vous voyez donc que le mieux est que, tout en restant de vrais, mais de vrais amis, nous en demeurions là.

— Et c’est la femme qui m’a écrit de si vives lettres qui me parle maintenant, raison, bon sens, est-ce que je sais quoi !

— Mais soyez donc franc, vous ne m’aimez pas !