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d’une prison où les chairs, affouillées par l’eau, devaient pourrir en quelques mois. L’on éprouvait, une fois revenu dans le potager, à l’air, une sensation de bien-être, d’allégement, mais l’angoisse vous reprenait si, traversant la ligne des choux, l’on atteignait les ruines isolées de la chapelle et si l’on pénétrait, en dessous, par une porte de cave, dans une crypte.

Celle-là datait du xie siècle. Petite, trapue, elle élançait sous une voûte en cintre des colonnes massives à chapiteaux sculptés de losanges et de crosses adossées d’évêques. La pierre de l’autel subsistait encore. Un jour saumâtre, qui semblait tamisé par des lames de corne, coulait des ouvertures, éclairait à peine les ténèbres des murs, la suie comprimée du sol encore troué d’un regard d’oubliette ou d’un rond de puits.

Après le dîner, le soir, souvent il était monté sur la côte et avait suivi les murs craquelés des ruines. Par les nuits claires, une partie du château se rejetait dans l’ombre et une autre s’avançait, au contraire, gouachée d’argent et de bleu, comme frottée de lueurs mercurielles, au-dessus de la Sèvre dans les eaux de laquelle sautaient, ainsi que des dos de poissons, des gouttes rebondies de lune.

Le silence était accablant ; dès neuf heures, plus un chien et plus une âme. Il rentrait dans la pauvre chambre de l’auberge où une vieille femme en