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en l’étant encore, moins lointaine ; puis sa beauté s’altérait, car elle s’emparait, à son tour, de certains traits de Mme  Chantelouve et si cette dernière avait bénéficié de ces rapprochements, elle, au contraire, pâtissait de ces emprunts, de cette confusion qu’établissait Durtal.

Dans l’un comme dans l’autre cas, que ce fût Mme  Chantelouve ou une autre, il se sentait allégé, plus calme ; au fond, il ne savait même plus, à force de s’être rabâché cette histoire, s’il aimait mieux sa chimère même amoindrie ou cette Hyacinthe qui n’amènerait du moins pas, dans la réalité, la désillusion d’une taille de fée Carabosse, d’une face de Sévigné, rayée par l’âge.

Il profita de ce répit pour se remettre au travail, mais il avait trop présumé de ses forces ; quand il voulut commencer son chapitre sur les crimes de Gilles De Rais, il constata qu’il était incapable de souder deux phrases. Il s’évaguait à la poursuite du Maréchal, le rejoignait, mais l’écriture dans laquelle il le voulait cerner demeurait lâche et inerme, criblée de trous.

Il jeta sa plume, s’enfonça dans un fauteuil et, rêvassant, il s’installa à Tiffauges, dans ce château où Satan, qui refusait si obstinément de se montrer au Maréchal, allait descendre, s’incarner en lui, sans même qu’il s’en doutât, pour le rouler, vociférant, dans les joies du meurtre.