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La chambre à coucher avait un grand lit, une commode à ventre, des fauteuils ; sur la cheminée, une ancienne pendule et des flambeaux de cuivre ; sur les murs, une belle photographie d’un Botticelli du musée de Berlin : une Vierge dolente et robuste, ménagère et contrite, entourée d’anges figurés par de languissants jeunes hommes, tenant des cierges aux cires enroulées comme des câbles, des garçonnes coquettes, aux longs cheveux piqués de fleurs, de dangereux pages, mourant de désirs devant l’Enfant Jésus qui bénit, debout, près de la Vierge.

Puis une estampe de Breughel, gravée par Cock : «. les Vierges sages et les Vierges folles, » un petit panneau, coupé, au milieu, par un nuage en tire-bouchon, flanqué, aux deux coins, d’anges bouffis sonnant, les manches retroussées, de la trompette, pendant qu’au centre du nuage même, un autre ange, au nombril indiqué sous une indolente robe, un ange sacerdotal et bizarre, déroule une banderole sur laquelle est écrit le verset de l’Évangile : « Ecce sponsus venit, exite obviam ei. »

Et au-dessous de la nuée, d’un côté, les Vierges sages, de bonnes Flamandes sont assises, dévident le lin, tournent, en chantant des cantiques, auprès de lampes allumées, des rouets ; de l’autre, sur l’herbe d’un pré, les Vierges folles, quatre commères en liesse, se tiennent par la main et dansent en rond, tandis que la cinquième joue de la cornemuse