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née, tenant le panneau, du plafond à la toilette revêtue d’une vieille étoffe, il avait cloué un ancien tableau sur bois représentant, dans un paysage tourné, poussé dans les bleus aux gris, dans les blancs aux roux, dans les verts aux noirs, un ermite agenouillé sous une hutte de branchages, près d’un chapeau de cardinal et d’un manteau de pourpre.

Et tout le long de ce tableau dont des parties entières sombraient dans des ténèbres d’oignons brûlés, d’inintelligibles épisodes se déroulaient, empiétant les uns sur les autres, entassant près du cadre en chêne noir, des figures de Lilliput, dans des maisons de nains. Ici, le Saint, dont Durtal avait vainement cherché le nom, franchissait en barque les boucles d’un fleuve aux eaux métalliques et plates ; là, il déambulait dans des villages grands comme un ongle, puis il disparaissait dans l’ombre de la peinture et on le retrouvait plus haut dans une grotte, en Orient, avec des dromadaires et des ballots ; on le perdait de nouveau de vue et, après un cache-cache plus ou moins court, il surgissait, plus petit que jamais, seul, un bâton à la main, un sac sur le dos, montant vers une cathédrale inachevée, étrange.

C’était un tableau d’un peintre inconnu, d’un vieux Hollandais qui s’était assimilé certaines couleurs, certains procédés des maîtres de l’Italie qu’il avait visitée peut-être.