Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/366

Cette page n’a pas encore été corrigée

servait pour lui ses furies de ménade amoureuse, jusqu’alors réprimées, car elle ne pouvait distribuer depuis qu’elle remplissait sa mission de goule sainte et triste, que des tortures presque tolérables ; elle rapetissait ses désolantes caresses à la taille des gens ; elle ne se livrait pas, tout entière, à ces désespérés qui la repoussaient et l’injuriaient, alors même qu’ils ne la sentaient que rôder dans les alentours, sans trop s’approcher d’eux.

Elle ne fut vraiment l’amante magnifique qu’avec l’Homme-dieu. Sa capacité de souffrance dépassait ce qu’elle avait connu. Elle rampa vers lui, en cette nuit effrayante où, seul, abandonné dans une grotte, il assumait les péchés du monde, et elle s’exhaussa, dès qu’elle l’eût enlacé et devint grandiose. Elle était si terrible qu’il défaillit à son contact ; son agonie ce furent ses fiançailles à elle ; son signe d’alliance était, ainsi que celui des femmes, un anneau, mais un anneau énorme qui n’en avait plus que la forme et qui était en même temps qu’un symbole de mariage, un emblème de royauté, une couronne. Elle en ceignit la tête de l’époux, avant même que les juifs n’eussent tressé le diadème d’épines qu’elle avait commandé, et le front se cercla d’une sueur de rubis, se para d’une ferronnière en perles de sang.

Elle l’abreuva des seules blandices qu’elle pouvait verser, de tourments atroces et surhumains et, en épouse fidèle, elle s’attacha à lui et ne le quitta plus ; Marie, Magdeleine, les saintes femmes n’avaient pu marcher, à chaque instant, sur ses traces ; elle, l’accompagna au prétoire, chez Hérode, chez Pilate ; elle vérifia les lanières des fouets, elle rectifia l’enlacement des épines, elle