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composition des éléments assez hétéroclites, tels que de l’urine d’homme ayant bu du vin.

Ils se repassaient des ordonnances singulières mais efficaces, puisque aucune de leurs nuances n’a bougé. Le blanc d’œuf qui était l’ingrédient le plus usité pour la détrempe, ils en détruisaient la viscosité avec de l’eau de lessive vieille de quinze jours et l’écume avec un peu de cerumen, de cire d’oreille. Pour fixer leur or, découpé dans des feuilles, ils commençaient par frictionner le parchemin avec de la colle à bouche, en ayant soin de ne l’employer que lorsqu’ils avaient terminé leur digestion ou étaient à jeun ; puis, ils usaient d’enduits adhérents dans la confection desquels figuraient de la gomme adragante, du bol d’Arménie et du miel ; d’après un récipé découvert dans les comptes de Dijon, à propos du peintre Malouel, ils se servaient aussi d’une gélatine extraite des nageoires de la morue.

Mais Durtal ne l’écoutait plus ; il considérait les éclatantes floraisons de ces vélins. Ah ! fit-il en refermant le livre, la délicieuse et la frêle et la fine petite fille, aux yeux d’azur et aux cheveux d’or, que cette enluminure qui enfanta, en une longue gésine, une fille si énorme, la peinture, qu’elle mourut, en lui donnant le jour !

— Oui, mais elle ne trépassa point sans avoir atteint l’apogée suprême de son art, avec Fouquet, Jacquemart de Hesdin, André Beauneveu, Simon Marmion, les frères de Limbourg et, dans ses dernières années, avec cet étonnant Bourdichon, qui peignit les Heures d’Anne de Bretagne.

Ceux-là qui travaillèrent pour les princes et les rois, nous les connaissons, car l’on a retrouvé leurs noms et