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sa voisine la Bièvre est à la Seine. Elle est le ruisselet de l’Église, la panne pieuse, la misérable banlieue du culte !

Et elles sont aussi indigentes et exquises, les voix au sexe indécis ou fondu de ces pauvres nonnes ! et Dieu sait pourtant si j’exècre la voix de la femme dans le lieu saint, car elle reste quand même impure. Il me semble que la femme apporte toujours avec elle les miasmes permanents de ses malaises et qu’elle fasse tourner les psaumes. Puis, quand même, la vanité, la concupiscence sourdent de la voix mondaine et ses cris d’adoration auprès de l’orgue ne sont que les cris de l’instance charnelle, ses plaintes même dans les hymnes liturgiques les plus sombres ne s’adressent que des lèvres à Dieu, car, au fond, la femme ne pleure que le médiocre idéal du plaisir terrestre qu’elle ne peut atteindre. Aussi, comme je comprends que l’Église l’ait rejetée de ses offices et qu’elle emploie, pour ne pas contaminer l’étole musicale de ses proses, la voix de l’enfant et de l’homme, voire même celle du castrat.

Et cependant dans les couvents de femmes, cela change ; il est certain que la prière, que la communion, que les abstinences, que les vœux, épurent le corps et l’âme et l’odeur vocale qui s’en dégage. Leurs effluves donnent à la voix des religieuses, si écrue, si mal équarrie qu’elle puisse être, ses chastes inflexions, ses naïves caresses d’amour pur ; ils la ramènent aux sons ingénus de l’enfance.

Dans certains ordres, ils semblent même l’émonder de la plupart de ses branches et concentrer les filets de sève qui restent sur quelques tiges ; et il songeait