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sons ouvertes, du haut en bas, ainsi que des armoires ; et, d’un côté, des cachots massifs avec couchettes de fer, cruche de grès, petit judas ouvert dans des portes scellées de puissants verrous ; là-dedans, de mauvais larrons, grinçant des dents, tournant sur eux-mêmes, les cheveux droits, hurlant tels que des bêtes enchaînées dans des cages ; de l’autre côté, des logettes meublées d’un galetas, d’une cruche de grès, d’un crucifix, fermées, elles aussi, par des portes bardées de fer, et, au milieu, des religieuses ou des moines, à genoux sur le carreau, la face découpée sur le feu d’un nimbe, les yeux au ciel, les mains jointes, envolés, dans l’extase, près d’un pot où fleurit un lys.

Enfin, au fond de la toile, entre ces deux haies de maisons, monte une grande allée au bout de laquelle, dans un ciel pommelé, Dieu le Père assis, avec le Christ à sa droite, et, tout autour d’eux, des chœurs de Séraphins jouant de l’angélique et de la viole ; et Dieu le père immobile sous sa haute tiare, la poitrine couverte par sa longue barbe, tient une balance dont les plateaux s’équilibrent, les saints captifs expiant à mesure, par leurs pénitences et leurs prières, les blasphèmes des scélérats et des fous.

Il faut avouer, se disait Durtal, que cette rue est bien particulière, qu’elle est même probablement, à Paris, unique, car elle réunit, sur son parcours, les vertus et les vices qui, dans les autres arrondissements, se disséminent, d’habitude, malgré les efforts de l’église, le plus loin qu’ils peuvent, les uns des autres.

Il était arrivé, en devisant, près de Sainte-Anne ; alors la rue s’aéra et les maisons baissèrent ; elles n’eurent