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Lisez, à cette occasion, Sainte Térèse ; vous verrez qu’elle obtint de prendre à sa charge les tentations d’un prêtre qui ne pouvait les endurer, sans fléchir. Cette substitution d’une âme forte, débarrassant celle qui ne l’est point de ses périls et de ses craintes, est une des grandes règles de la Mystique.

Tantôt, cette suppléance est purement spirituelle et tantôt, au contraire, elle ne s’adresse qu’aux maladies du corps ; sainte Térèse se subrogeait aux âmes en peine, la sœur Catherine Emmerich succédait, elle, aux impotentes, relayait, tout au moins, les plus malades ; c’est ainsi, par exemple, qu’elle put souffrir les tortures d’une femme atteinte de phtisie et d’une hydropique, pour leur permettre de se préparer à la mort en paix.

Eh bien ! Lidwine accaparait toutes les maladies du corps ; elle eut la concupiscence des douleurs physiques, la gloutonnerie des plaies ; elle fut, en quelque sorte, la moissonneuse des supplices et elle fut aussi le lamentable vase où chacun venait verser le trop plein de ses maux. Si vous voulez parler d’elle, autrement que les pauvres hagiographes de notre temps, étudiez d’abord cette loi de la substitution, cette merveille de la charité absolue, cette victoire surhumaine de la Mystique ; elle sera la tige de votre livre et, naturellement, sans efforts, tous les actes de Lidwine se grefferont sur elle.

— Mais, avait questionné Durtal, cette loi subsiste encore ?

— Oui, je connais des couvents qui l’appliquent. Au reste, des ordres, tels que les Carmélites et les Clarisses acceptent très bien qu’on leur transfère les tentations dont on souffre ; alors ces monastères endossent, pour