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nité des hérésies vaincues ? Toutes, depuis que le monde existe, ont eu pour tremplin la chair. Logiquement, humainement, elles devaient triompher, car elles permettaient à l’homme et à la femme de satisfaire leurs passions, soi-disant en ne péchant pas, en se sanctifiant même comme les gnostiques, en rendant par les plus basses turpitudes hommage à Dieu.

Que sont-elles devenues ? Toutes ont sombré. L’Église, si inflexible sur cette question, est demeurée entière et debout. Elle ordonne au corps de se taire, à l’âme de souffrir et, contre toute vraisemblance, l’humanité l’écoute et balaie, tel qu’un fumier, les séduisantes allégresses qu’on lui propose.

N’est-elle pas décisive aussi cette vitalité que conserve l’Église, malgré l’insondable stupidité des siens ? Elle a résisté à l’inquiétante sottise de son clergé, elle n’a pas même été entamée par la maladresse, par le manque de talent de ses défenseurs ! c’est cela qui est fort !

Non, plus j’y songe, s’écriait-il, plus je la trouve prodigieuse, unique ! Plus je suis convaincu qu’elle seule détient la vérité, qu’hors d’elle, ce ne sont plus que des luxations d’esprit, que des impostures, que des esclandres ! — L’Église, elle est le haras divin et le dispensaire céleste des âmes ; c’est elle qui les allaite, qui les élève, qui les panse ; elle, qui leur notifie, quand le temps des douleurs est venu, que la vie réelle ne commence pas à la naissance, mais bien à la mort. L’Église, elle est indéfectible, elle est suradmirable, elle est immense…

Oui, mais alors, il faudrait suivre ses prescriptions et pratiquer les sacrements qu’elle exige !

Et Durtal, en hochant la tête, ne se répondait plus.