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side restait déserte. Tout le public emplissait la nef devant le maître-autel ou s’éparpillait plus loin dans une chapelle dédiée à Notre-Dame. Durtal était donc à peu près seul ; et les gens même qui traversaient son refuge n’étaient ni hébétés, ni hostiles, ainsi que les fidèles des autres églises. C’étaient dans ce quartier de gueux, de très pauvres gens, des regrattières, des sœurs de charité, des loqueteux, des mioches ; c’étaient surtout des femmes en guenilles, marchant sur la pointe des pieds, s’agenouillant sans regarder autour d’elles, des humbles gênées même par le luxe piteux des autels, hasardant un œil soumis et baissant le dos quand passait le suisse.

Touché par la timidité de ces misères muettes, Durtal écoutait la messe que chantait une maîtrise peu nombreuse, mais patiemment dressée. Mieux qu’à Saint-Sulpice où pourtant les offices étaient autrement solennels et exacts, la maîtrise de Saint-Séverin entonnait cette merveille du plain-chant, le « Credo ». Elle l’enlevait, en quelque sorte, jusqu’au sommet du chœur et le faisait planer, les ailes grandes ouvertes, presque immobiles, au-dessus des ouailles prosternées, lorsque le verset « et homo factus est » prenait son lent et respectueux essor dans la voix baissée du chantre. C’était, à la fois, lapidaire et fluide, indestructible, ainsi que les articles du Symbole même, inspiré comme le texte que l’Esprit Saint dicta, dans leur dernière assemblée, aux apôtres réunis du Christ.

À Saint-Séverin, une voix de taureau clamait, seule, un verset, puis tous les enfants, soutenus par la réserve des chantres, lançaient les autres et les inaltérables vérités s’affirmaient à mesure, plus attentives, plus graves,