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quaient ; certaines clefs de voûte ne gardaient plus que des calices stratifiés, ouvrés comme des nids, troués comme des éponges, chiffonnés comme des poignées de dentelles rousses.

Et au milieu de cette flore mystique, parmi ces arbres lapidifiés, il en était un, bizarre et charmant, qui suggérait cette chimérique idée que la fumée déroulée des bleus encens était parvenue à se condenser, à se coaguler en pâlissant avec l’âge et à former, en se tordant, la spirale de cette colonne qui tournoyait sur elle-même et finissait par s’évaser en une gerbe dont les tiges brisées retombaient du haut des cintres.

Ce coin où se réfugiait Durtal était à peine éclairé par des verrières en ogive, losangées de mailles noires, serties de minuscules carreaux obscurcis par la poussière accumulée des temps, rendus plus sombres encore par les boiseries des chapelles qui les ceinturaient jusqu’à mi-corps.

Cette abside, elle était bien, si l’on voulait, un massif gelé de squelettes d’arbres, une serre d’essences mortes, ayant appartenu à la famille des palmifères, évoquant encore le souvenir d’invraisemblables phœnix, d’inexacts lataniers, mais elle rappelait aussi, avec sa forme en demi-lune et sa lumière trouble, l’image d’une proue de navire plongée sous l’onde. Elle laissait, en effet, filtrer au travers de ses hublots, aux vitres treillissées d’une résille noire, le murmure étouffé — que simulait le roulement des voitures ébranlant la rue, — d’une rivière qui tamiserait dans le cours saumâtre de ses eaux des lueurs dédorées de jour.

Le dimanche, à l’heure de la grand’messe, cette ab-