Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/458

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Si encore, fit le prieur, l’on pouvait espérer les ramener au bien, les renvoyer guéris dans leurs paroisses, mais non ; ils décampent encore plus révoltés qu’avant ; le Diable ne les lâche pas, ceux-là !

Sur ces entrefaites, un convers apporta des plats recouverts par des assiettes et les déposa sur la table.

— Nous avons modifié l’heure de votre dîner, à cause du train, fit le P. Etienne.

— Bon appétit, adieu, et que le Seigneur vous bénisse, dit le prieur.

Il leva la main et enveloppa d’un grand signe de croix Durtal qui s’agenouilla, surpris par le ton subitement ému du moine. Mais le P. Maximin se reprit aussitôt et il le salua, au moment où M. Bruno entrait.

Le repas fut silencieux ; l’oblat était visiblement peiné du départ de ce compagnon qu’il aimait et Durtal considérait, le cœur gros, ce vieillard qui était si charitablement sorti de sa solitude pour lui prêter son aide.

— Vous ne viendrez donc pas, un jour, à Paris, me voir ? lui dit-il.

— Non, j’ai quitté la vie sans esprit de retour ; je suis mort au monde ; je ne veux plus revoir Paris, je ne veux plus revivre.

Mais si Dieu me prête encore quelques années d’existence, j’espère vous retrouver ici, car ce n’est pas en vain que l’on a franchi le seuil de l’ascétère mystique, pour y vérifier, par une expérience sur soi-même, la réalité de ces perquisitions que Notre Seigneur opère. Or, comme Dieu ne procède pas au hasard, il achèvera certainement, en vous triturant, son œuvre. J’ose vous le recommander, tâchez de ne pas vous céder et essayez de