Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de lumière. Dans son « Heptachronon », elle prédit le protestantisme et la captivité du Vatican ; dans son « Scivias » ou « Connaissance des voies du Seigneur » qui a été rédigé, d’après son récit, par un moine du couvent de Saint-Désibode, elle interprète les symboles des Ecritures et la nature même des éléments. Elle a également écrit un diligent commentaire de notre règle et d’altières et d’enthousiastes pages sur la musique sacrée, sur la littérature, sur l’art qu’elle définit excellemment : une réminiscence à moitié effacée d’une condition primitive dont nous sommes déchus depuis l’Eden. Malheureusement, pour la comprendre, il faut se livrer à de minutieuses recherches, à de patientes études. Son style apocalyptique a quelque chose de rétractile ; il semble qu’il se recule et se referme davantage encore lorsqu’on veut l’ouvrir.

— Je sais bien, moi, que j’y perds mon peu de latin, dit M. Bruno. Quel dommage qu’il n’existe pas une traduction, avec gloses à l’appui, de ses œuvres !

— Elles sont intraduisibles, fit le père qui poursuivit :

Sainte Hildegarde est, avec saint Bernard, l’une des plus pures gloires de la famille de saint Benoît. Quelle prédestinée que cette vierge qui fut inondée des clartés intérieures dès l’âge de trois ans et mourut à quatre-vingt-deux ans, après avoir vécu toute sa vie dans les cloîtres !

— Et ajoutez qu’elle fut, à l’état permanent, fatidique, s’écria l’oblat. Elle ne ressemble à aucune autre Sainte ; tout en elle étonne jusqu’à cette façon dont Dieu l’apostrophe, car il oublie qu’elle est femme et l’appelle : « l’homme ».