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pas cette saison-là qui nous alarme ; on vit tant bien que mal, même sans feu, par les temps de glace ; mais l’été ! — Si vous saviez ce que le réveil dans des vêtements encore trempés de sueur, pas secs depuis la veille, est atroce !

Puis, bien qu’à cause de la grande chaleur on ait souvent à peine dormi, il faut, avant le jour, sauter en bas de sa couche et commencer aussitôt le grand office de nuit, les Vigiles qui durent au moins deux heures. Même après vingt ans de Trappe, on ne peut pas ne point souffrir de ce lever ; on se bat à la chapelle contre le sommeil qui vous écrase ; on dort pendant que l’on entend chanter un verset ; on lutte pour se tenir éveillé, afin de pouvoir en chanter un autre, et l’on retombe.

Il faudrait pouvoir donner un tour de clef à la pensée et l’on en est incapable.

Vraiment, je vous assure qu’en dehors même de la fatigue corporelle qui explique cet état, le matin, il y a là une agression démoniaque, une tentation incessante pour nous inciter à mal réciter l’office.

— Et vous subissez, tous, cette lutte ?

— Tous ; et cela n’empêche, conclut le moine dont le visage rayonna, cela n’empêche que nous ne soyons ici vraiment heureux.

C’est que toutes ces épreuves ne sont rien à côté des joies profondes et intimes que le bon Dieu nous accorde ! Ah ! Il est un maître généreux ; il nous paye au centuple nos pauvres peines.

Tout en parlant, ils avaient enfilé le corridor et étaient arrivés à son autre bout.

Le moine ouvrit la porte et Durtal, stupéfié, se